7/27/1985 Liberation Toujours (7-27-85 Athens, Greece Show Review)
Le Concert d’Athènes
Le 27 juillet 1985, dans une atmosphère d’émeutes (bagarres et de chambardement (nouveau batteur, retour de Simon Gallup), la Grèce tragique institue Robert Smith et son groupe « nombre d’or » new wave: un concert qui changea le Cure de l’histoire...
Athènes (envoyé spécial).
The Baby Screams a ouvert le set vers 21 heures, le deuxième jour (27 juillet). Suivi dans un mouchoir de Play For Today. La foule flottait, encore ballottée par la déferlante anar. Et le blanc est tombé d’emblée, comme pour maquer le coup. Coma technique et branle-base en coulisses, Robert s’agenouille devant l’arène menacante et inchiffrable, joue à pile ou face, très haut, avec une pièce qu’il perd. Le nouveau batteur, blondhard, dérange un peu l’équilibre au noir, renforce par le retour officiel de Simon Gallup, chassé après Pornography. Le guitariste de soutien, lui, a changé de cheveux depuis The Top. Avant, c’était plaqué en arrière, maintenant c’est en mèches post-Batcave, par devant. Avec bonnet à pompon grec, facon Dupond (t).
Secret succède (logiquement) au silence. Le son est compact, pertinent pour la première fois du festival, moredant et architecturé.
Robert Smith, balbutiant, amaigri d’au moins 300 grammes, amorce Kyoto Song, une des plus belles mélodies, évidemment japonisante, du prochain disqe. Lol Tolhurst, de plus en plus pieraldique, laissé pour compte au clavier de compagnie, sourit béatement à la foule qui sue. Smith, séraphique et gluténisé sur la pointe de ses piedscoton, carré comme un boucher et mollasson comme un ado en plein âge bête, coiffé à l’arraignée, comme son reflet Simon, rentre une vitesse, tourne légèrement sur place en faisant la danse de l’ours des anxieux chroniques et pousee la porte « étroite qui chancelle » du Hanging Garden.
Le temps de ce morceau Laurence reprend ses bâtons: tambours de guerre en duo, gitare apache et hurlements de sauvages. Robert de Crawley, costumé singulièrement de bleu-gris, piétine sans sourciller dans la tourmente gallupante, hurle sans forcer (parce que le morceau veut ca, c’est tout), déchire un petit bout du coeur de la foule lointaine. Chris Parry, le manager (gui vient de produire le nouveau disque de Certain General: à suivre...), en tee-shirt et pantalon blanc (l’antithèse vivante, maigre, adulte, cheveux ras, de sa bande de gros nounours effarés), filme, coté Garden. Se souvient-il que Bob, alors, imagina que la tristesse, c’était de se replier, la tête dans les mains « comme les animaux qui meurent »?...
Le show, avec ce semi-tumulte, passe un cran. On sait, de l’autre coté, que le festival en a franchi un aussi, voire, qu’il vient de commencer. Enfin... Par hasard, cette performance, qui aurait du se dérouler au moins une heure plus tot, en plein jour fadasse et chaud, dans une atmosphère terne comme le restant du festival, marque le premier temps réel du week-end.
Depuis plus d’une heure, les tensions de la vielle aux abords, de l’enciente se remanifestaient et, à cinq minutes de l’overture du concert, retardé d’autant, la police bleue - cédant à la pression populaire qui avait dégéneré la veille en petits mon"mes pourris - a ouvert les vannes. Une foule invraisemblable, de gueux des rues et de kids sans espèces, vient ainsi d’investir le stade, à moitié vide jusque-là. Par voie de conséquence, la scène, ouvrant sur la marée montante, vibre d’une tension inédite - fin du parpagraphie informatif.
In Between Days, le nouveau simple. Top Ten One en première semaine dans Sounds, détend l’ambiance, le temps d’un exercice ligne 100% pop cucul et euphorique (« go on, go on, enjoy these days? » Tsst tsst!). La mélodie, coquinement trousseé, fait passer la pilule, désagréablement peu amère, comme de coutume (Lovecats and co). Robert y me fois de la soiré. Avant de revenir, violemment, aux choses sérieuses. Avec Primary: éclirages violets, guitare noire, lyrisme impavide, adolescenses incurables... La cathédrale ligne floue des amoureux de la nébuleuse Faith/Seventeen Seconds.
Derrière le groupe, la machine fumigène pompe et le ventilateur orientable arrose. Du fond, c’est presque les Troyennes, et ce roi fou de colère qui fouetta la mer. Athènes 85 existe un peu, entre deux éclairs d’attention, douloureuse. La tribune de presse est vigilante, debout, le public a cessé, de partir en tous sens comme avant, un frisson effleure le festival. The Cure, inexpressif dans ses mouvements de méduse, a jeté, comme un voile de nerfs sur le vieux monument de pierres. Veste tombée, Simon ramone et Lol rame. Batterie lugubre, orgue de pénitence en décorsuaire, Robert chante le gel: Cold. Drapé dans sa soutane Van der Meersh no future, pour tous les 10-18 aux traits fripés du monde punk défunt, il gémit devant le jour qui s’effondre. Il est là depuis une demi-heure, tout a chaviré doucement, son costume bleu vire au cendre. Saint-Robert de la Croix du sépulcre flasque, priez pour nous.
Plan pop (aie) suit: The Walk. Un peu grossier par rapport au modèle dèposé, mais bien sautillant, rien à dire. Pouf: la scène s’éteint totalement. Clameurs! Le batteur contre-attaque comme un sourd. La séance continue dans le noir total, et les spectateurs contemplant le trou d’ombre allument mille feux babas immémoriaux. Devant, la pression est telle que le management doit ajouter des barrières de protection au pied des tréteaux, la scène menacant ruines. Robert, là-haut, cool, tao et imparable, n’y pense pas, boit un coup dans la nuit, annonce A Hundred Years, et la tourmente « pornographique », entre sang et encre, arc du rock vo–té Cure, retomben en flammes imaginaires sur les planches éteintes: « Like in the old days... » Hystérie en boucle, tournoi de guitares très néo-psychédélisme, compulsives. Et le sabbat redouble, sans réprit, avec l’effrayant Give Me It. Rafales de peaux, de cordes, de saxo, saccage concerté de tout ce qui bouge, comble de son tolérable: Lol est médiéval, Simon ensorcelé, Robert blanc comme une pierre de lune. Retour à Cythère « Là tout n’est qu’ordre et... »
Forest. Song approche en planeurarpèges, son décollage différé à la verticale, ses guitares In A. Godda-Davida... Chris Parry s’agite, parle avec un gros à chemise flottante et airs importants, Robert et ses incubes hurlent: « And again, and again, and again... » Une ritournelle d’enfants complètement fous monte au ciel et un parterre frise l’apoplexie. Arrosés ou non, tous les premiers de rangs supplient qu’on les arrache aux barreaux. La piste écume, le rock grid gronde, l’assistance déborde, les vieux fans, venus résignés au pire, craquent, le group sort...
Pour revenir couronner l’édifice d’un Three Imaginary Boys hors temps, gonflé d’éngergie sombre et de drames fastueux. Suivi d’un Ten Fifteen Saturday Night inévitable: les harmoneqes! Les solos croisés! Le frigidaire! Tout cela s’est alourdi, sciemment empâté dans une carapace de force rythmique et de puissance sonore grands espaces: les délicatesses, vaporeuses des tout débuts y ont perdu sans doute, et la grâce mélodique native... mais quelle ampleur!
Killing An Arab, parti en vrilles, enfonce le clou, sertissant le chiffre Cure dans la mémoire des témoins pour faire bonne mesure, bouclant la bouche morose sur le manifeste existentiel du groupe primitif, speedé à bloc. Les volutes s’enlisent, Robert fait les pattes de chat. Enfin vient Three, l’ovni live. Echo au chaos de Give Me en charpie de guitares, Robert multiplant cette sorte de plainte décalée tantot presque a capella, tantot au milieu d’un tohubohu rythmique infernal déstabilisé aux synthés et au saxo-scie. Le tempo, boueux, s’ébroue un e dernière fois, s’élance, rechute, rampe et finit en capilotade viscérale, envoyant le set pulvérisé définitivement dans les combles macabres. Simon tire la langue: Robert ne dit rien et tipote un bout de ses cheveux mal fagotés; de l’avis général, c’était là la rédemption d’Athènes 85, et on l’aurait pariè.